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Doctor Sleep (2013) - Stephen King

Les premières pages de Doctor Sleep sont assez déconcertantes, d'autant plus que j'ignorais tout de ce livre avant d'entamer sa lecture, à part l'accroche  en quatrième de couverture : "Depuis Shinning, le petit Danny Torrance a grandi. Ses démons aussi...". Le livre commence donc comme une suite de The shinning. Danny Torrance, l'enfant médium du troisième roman de Stephen King, apparait dès le début comme le personnage principal. Désormais adulte, il est devenu alcoolique et passe d'une ville à une autre, visiblement en fonction du travail qu'il peut trouver. Puis le romancier le laisse assez vite de côté pour décrire ce qu'il appelle les "vrais", d'étranges personnages aux pouvoirs surnaturels qui voyagent à travers les Etats-Unis en formant des convois de camping-cars. Leur but est d'aspirer l'essence vitale des êtres humains qu'ils stockent sous forme de vapeur dans des cartouches, une vapeur qui leur semble nécessaire pour vivre.

Il y a de fortes chances que Stephen King ait vécu quelques moments pénibles à cause de ces camping-cars qui prolifèrent de plus en plus sur les routes et qui ralentissent la circulation de façon considérable. Il les décrit assez longuement dans un passage que je trouve très drôle (car assez proche de ce que je peux penser de ces camping-car escargots et de la plupart de leurs conducteurs quand je suis "coincé" derrière l'un d'eux) : "Combien de fois ne vous êtes vous pas trouvés derrière un camping-car roulant à une vitesse d'escargot, à bouffer du gaz d'échappement et à attendre impatiemment votre chance de doubler ?A vous trainer à soixante alors que vous auriez pu observer en toute légalité une vitesse de cent dix ou même de cent vingt? Et quand une trouée se présente enfin dans la circulation d'en face et que vous déboîtez...Bordel de Dieu! Vous découvrez une longue file de ces satanés engins, de ces gouffres à gas-oil conduits à exactement dix kilomètres au-dessous de la vitesse autorisée par de vieux papis et mamies à lunettes cramponnés à leur volant comme s'ils craignaient qu'il s'envole.
Ou peut-être les avez-vous rencontrés sur les aires de repos des autoroutes, quand vous vous arrêtez pour vous dégourdir les jambes (...). Vous avez pu voir les maisons roulantes des Vrais, rassemblés en grappes, stationnés sur cette zone là. Vous avez pu voir leurs propriétaires se diriger vers le bâtiment principal - lententement, car bon nombre d'entre-eux n'ont plus l'air tout jeunes et certains sont joliment bardés de lard - toujours en groupe, toujours entre-eux (...).
Et pour peu que vous voyiez tous ces camping-cars garrés autour d'un Mac Donald's ou d'un Burger King, vous ne vous arrêtez pas car vous savez qu'ils seront tous là à faire la queue au comptoir, les types en casquette de golf raplapla ou casquette de pêcheur à longue visière, les bonnes femmes en caleçon élastique ( généralement bleu layette) et tee-shirt proclamant MOI J'AI DES PETITS ENFANTS ! ou JESUS EST ROI ou JE VOYAGE HEUREUSE. Vous préférez faire huit cents mètres de plus (...) parce que vous savez qu'il leur faudra des plombes pour commander,à tergiverser devant la carte, puis à réclamer leur Royal Cheese sans cornichons ou leur Whopper sans sauce. Ils demanderont ensuite s'il ya des attractions touristiques dans la région, alors qu'il ne faut pas être devin pour se rendre compte que c'est juste une de ces petites bourgades de rien du tout avec trois feux rouges (...). Des retraités âgés accompagnés de quelques compatriotes plus jeunes qui vivent leur vie sans attaches sur les autoroutes et les grandes routes bleues d'Amérique, faisant halte dans des terrains de camping où ils s'assoient sur leurs chaises de jardin Wal-Mart et cuisinent sur leurs grills Hibachi en causant investissements, concours de pêche, recettes traditionnelles et Dieu sait quoi encore. Ce sont eux qui freinent dès qu'ils voient un marché à la brocante ou un vide-grenier et qui rangent leurs foutus dinausores à touche-touche, moitié sur le bas-côté, moitié sur la chaussée, si bien que vous devez ralentir pour les dépasser quasiment au pas.(...).
Ils sont chiants comme la pluie quand ils débarquent en masse sur une aire de repos pour prendre d'assaut les toilettes, mais quand leurs boyaux rétifs, abrutis par la route, se décident enfin à fonctionner et que votre sur le trône arrive, vous les reléguez dans un coin de votre mémoire, pas vrai? Ils n'ont rien de plus remarquable qu'une volée d'oiseaux sur un fil électrique ou un troupeau de vaches paissant dans un champ en bordure de route (...) et vous pouvez aussi vous étonnez que des gens aient envie de passer leurs années de retraite dorée à parcourir ces interminables routes américaines entre Pétaouchnok et Pouzzoule,(...) .

Il y a Abra également, une fillette qui semble avoir le même don que Danny, comme la possibilité de voir des morts ; mais celui d'Abra semble nettement plus puissant, elle est aussi dotée de pouvoirs télékinésistes et d'autres peut-être plus redoutables.

Par la suite, les récits autour de Danny Torrance, des "Vrais" et de Abra commencent à se rejoindre et on perçoit où Stephen King veut en venir, du moins partiellement.

Je me souviens assez bien de ma lecture de The shining. J'avais une quinzaine d'années et j'étais grippé. Je n'allais donc pas en cours et je l'ai lu en deux jours, allongé dans le canapé, les mains moites à cause du stress que me procurait le livre ; à cause de la fièvre aussi, un peu, très certainement. C'est aussi ce que j'ai lu de mieux et de plus angoissant de la part de Stephen King (certains objecteraient qu'il s'agit de It). La suite est-elle à la hauteur ?

A aucun moment Doctor Sleep ne m'a effrayé, angoissé ou simplement stressé. Peut-être suis-je moins impressionnable aujourd'hui que lorsque j'étais adolescent mais, quand même, je sais que je peux encore avoir le trouillomètre à zéro avec des histoires de ce genre. Mais là n'est pas le véritable problème. Le livre m'a paru long et aux trois quarts, j'ai ressenti une certaine lassitude, l'impression que depuis les deux tiers du roman, l'auteur n'avait finalement plus grand chose à raconter et qu'il allongeait artificiellement son histoire avant le final que l'on espère surprenant. Heureusement, quelques pages plus loin Stephen King crée une situation remplie de suspense qui parvient à maintenir l'attention jusqu'aux dernières pages mais même là, ça se traine quand même un peu jusqu'à ne plus avoir envie de croire aux "Vrais" ; ce qui est un peu gênant dans une histoire qui tourne en fait principalement autour d'eux. De plus, le final tant attendu tombe un peu à plat. Il n'a rien de tendu ni de franchement inquiétant. "Ah bon, ça se termine comme ça ?!" est on tenté de dire. Stephen King avait su faire mieux pour conclure ses histoires. Le maître du fantastique, tel qu'il était surnommé dans les années 80 et 90, ne serait plus que l'ex maître du fantastique ?

Malgré la déception, restent quelques bonnes idées même si l'ambiance est radicalement différente de The shinning. En effet, de l'hôtel fermé et coupé du monde au milieu des montagnes enneigées et créant ainsi un sentiment de solitude et de claustrophobie (un genre d'ambiance que j'apprécie), Doctor Sleep se situe dans des petites villes américaines qui communiquent facilement entre elles. Au moins, on ne peut pas reprocher à Stephen King d'avoir livré une copie de son ancien succès mais il est regrettable d'en avoir amoindri l'impact avec une suite qui n'est pas à la hauteur.

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