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From a view to a kill - James Bond en embuscade (1960 / version française 2005) - Ian Fleming

"The eyes behind the wide black rubber goggles were cold as flint. In the howling speed-turmoil of a BSA M20 doing seventy, they were the only quiet things in the hurtling flesh and metal. Protected by the glass of the goggles, they stared fixedly ahead from just above the centre of the handlebars, and their dark unwavering focus was that of gun muzzles. Below the goggles, the wind had got into the face throught the mouth and had wrenched the lips back into a square grin that showed big tombstone teeth and strips of withish gum. On both sides of the grin the cheeks had been blown out by the wind into pouches that fluttered slightly. To right and left of the hurtling face under the crash helmet, the black gauntlets, broken-wristed at the controls, looked like the attacking paws of a big animal".

Depuis que j'ai relu tous les Fleming cf. ici), j'ai l'envie de les reprendre mais dans la langue d'origine. En effet, si cette seconde lecture fut passionnante, Jacques Layani indique dans son essai On ne lit que deux fois Ian Fleming que les traductions ne sont pas forcément fidèles aux textes d'origine. Il met en avant le cas des premières traductions aux Presses Internationales où il n'y avait pas que le titre qui était modifié (par exemple, Goldfinger était devenu Opération chloroforme). En effet, voici ce qu'il en est de From Russia with love.

Aux Presses Internationales, nous pouvons lire : "L'homme nu, allongé au bord de la piscine était totalement immobile. Comme mort. Le petit tas d'objets personnels rassemblés auprès de lui indiquait un homme riche. Une pince à billets faite d'une pièce mexicaine de cinquante dollars enserrait une quantité appréciable de billets de banque. Il avait aussi un précieux briquet Dunhill, un étui à cigarettes de chez Cartier et une grosse montre en or d'un modèle indiquant le jour, le mois, la phase de la lune. Elle marquait deux heures trente, le 10 juin, dernier jour du premier quartier de lune. Une grosse mouche bleue vint voleter au-dessus de l'homme. Pendant quelques secondes, elle fit du surplace, puis repartit vers les buissons de roses. La proie n'était pas sûre". (traduction de J. Hall).

Chez PLON, nous avons : "L'homme nu qui gisait à plat ventre, le visage contre le bord de la piscine aurait bien pu être mort. Il aurait pu être un noyé que l'on eût repêché et laissé à sécher sur le gazon pendant qu'on allait prévenir la famille ou la police. Et même le petit tas d'objets que l'on voyait dans l'herbe, près de sa tête : ce pouvait être ses affaires personnelles, proprement rassemblées pour bien montrer qu'il n'y manquait rien, par celui qui l'avait tiré de l'eau. A en juger par la nature de ces objets, il s'agissait d'un homme riche. On y remarquait les signes distinctifs de la confrérie des millionnaires ; une pince à billets, ornée d'une pièce mexicaine de cinquante dollars, qui retenait une liasse confortable ; un briquet Boucheron en or ; un porte-cigarettes ovale en or, avec les stries en forme de vagues et le discret bouton turquoise qui portent la marque de Fabergé, le joaillier londonien à la mode ; et le genre de roman (un vieux P. G. Wodehouse) qu'un richard prend dans sa bibliothèque pour l'emporter au jardin. Il y avait aussi une grosse montre en or, monté sur un bracelet de crocodile brun usagé. C'était un modèle dessiné par Girard-Perregaux pour les amateurs de gadgets ; il comportait une aiguille trotteuse et dans le cadran, deux petites ouvertures pour indiquer le mois, le jour du mois et la phase de la lune. Nous savons ainsi que notre récit commence le 10 juin à 14h30 et qu'on en est au troisième quartier. Une libellule bleue et verte, s'élançant d'un buisson de roses situé au fond du jardin, voltigea autour de notre homme, passant à quelques centimètres de ses vertèbres lombaires. Elle avait probablement été attirée par le reflet que le soleil de juin mettait dans l'or des poils blonds garnissant la partie supérieure du coccyx. Ce petit gazon de poils follets se coucha sous une bouffée d'air arrivant de la mer. D'un mouvement brusque, le libellule s'élança de côté, pour venir se poser sur l'épaule gauche. Sous la bouche ouverte, le tendre gazon s'agita. Une grosse goute de sueur étincelante roula sur l'aile du nez charnu et vint tomber dans l'herbe. C'en était trop. La libellule s'élança à travers les roses et passa au dessus du haut mur du jardin, garni de tessons de bouteilles. C'était peut-être bon à manger, mais ça bougeait !" (traduction de André Gilliard).

La comparaison est édifiante. "On ne sait devant quoi s'étonner le plus" remarque Jacques Layani. "Devant les longues coupes impitoyablement infligées au texte ? Devant une libellule devenue mouche ? (une mouche faisant du surplace !) ? Devant le troisième quartier de lune, promu au rang de premier ? Ou bien encore devant l'incroyable stupidité qui consiste à remplacer Boucheron par Dunhill, et Fabergé par Cartier ? A moins que ce ne soit devant la disparition pure et simple du roman de Wodehouse ?"

Il est évident que les traductions chez PLON semblent plus proches de ce qu'a écrit Ian Fleming que celles des Presses internationales. Néanmoins, le doute concernant d'éventuelles libertés et autres facilités subsiste désormais. Lire Fleming dans le texte me parait donc indispensable.

Problème : si ma compréhension de l'anglais n'est pas mauvaise, je n'ai jamais lu de livre anglais en entier. Au mieux, je lis régulièrement des articles dans cette langue sur internet et rien de plus. Commencer par James Bond en embuscade m'est apparu comme une intéressante première approche ; sur les pages de gauche, la nouvelle From a view to a kill (du recueil For your eyes only) telle que l'a rédigé l'écrivain et sur celles de droite une nouvelle traduction de Michel Savio, professeur honoraire à l’École supérieure d'électricité, comme nous l'apprend la présentation faite dans le livre. Si je ne parvenais pas à comprendre certains passages, je pouvais au moins me reporter sur celle-ci. De plus, plusieurs mots et expressions sont traduites en bas des pages et il y a un lexique à la fin.

Alors je me suis lancé. Très rapidement, j'abandonnai le va et vient entre l'anglais et le français pour me concentrer sur le texte original car je suis parvenu aisément à le comprendre, du moins le sens général des phrases ou, dans le pire des cas, des paragraphes. Ce qui a facilité également la lecture est que je me souvenais assez bien du déroulement du récit, de cette histoire qui commence par l'assassinat du motard du SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers Europe), le commandement militaire des forces de l'OTAN en Europe. Ce fut un plaisir.

Il faut saluer et encourager ce type d'édition mais il faut aussi éviter les erreurs dans les présentations. En quatrième de couverture, il est écrit : "Cette nouvelle est l'un des tout premiers textes où apparaît James Bond, le héros fétiche de Ian Fleming (...)". La nouvelle est paru dans le recueil For your eyes only publiée en 1960 et c'est déjà le huitième livre avec James Bond comme personnage principal, le premier Casino Royale datant déjà de 1953 ! Nous sommes déjà assez loin de "l'un des tout premiers textes où apparait James Bond". Dans les pages de présentation, nous pouvons aussi lire "Dr No, le premier film ayant pour vedette Sean Connery dans le rôle de James Bond, sorti en 1962 (en noir et blanc)(...)". Dr No en noir et blanc ? Ah bon ? Avons nous vu le même film ? C'est certainement ce qui incite Jacques Layani à écrire dans son essai : "La présentation de Savio s'avère cousue d'erreurs". Y en a t-il d'autres ?

Je pense qu'en persévérant dans la lecture des versions originales des Fleming, j'en apprécierai de plus en plus son style. J'ai d'ailleurs une édition anglaise de Octopussy and the living daylights. Mais pour le moment, il y a la biographie de Ian Fleming rédigée par Andrew Lycett qui m'attend, ainsi que Ian Fleming's James Bond : Annotations and chronologies for Ian Fleming's James Bond stories de John Griswold que j'avais déjà commencé, il y a quelque temps ; et il ne se lit pas comme un roman, ce qui est plus facile. De motivantes lectures en perspective.

Commentaires

  1. Comme vous le savez, à la fin d'Octopussy and the living daylights, figure la nouvelle 007 in New York, qui n'a pas été traduite en langue française. Voilà un plat de choix : aucun repère, aucune traduction à consulter. Bon courage...

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